Hao Jiu Bu Jian ft. Min Kyo Ji

Mais quel est cet endroit ? Voici la question que je me pose, une fois arrivé à l’adresse que les collègues que je dois retrouver, m’ont communiqué. J’hésite un instant avant d’entrer, pensant avoir fait une erreur. Je revérifie plusieurs fois avoir bien lu et avoir bien indiqué cette dernière dans le GPS de mon portable. 10 essais et tous pointent à cet endroit. Résigné et certain de ne pas m’être trompé, j’entre donc en les lieux à la recherche de mes aînés. Je n’arrive toujours pas à croire qu’ils m’aient donné rendez-vous ici, moi qui pensais que les choses se dérouleraient de manière plus conventionnelles avec par exemple un simple dîner dans un restaurant couteux de la ville. Généralement, c’est de la sorte que les repas d’entreprise se passaient. Et puis en tant que professeurs, n’avons-nous pas une réputation à maintenir ? Non mais sérieusement, qui a pu bien avoir cette idée saugrenue d’organiser une rencontre en ces lieux ? Le professeur ne se serait tout de même pas trompé lorsqu’il m’a communiqué l’adresse ? Devrais-je oser lui envoyer un message pour lui demander confirmation du lieu ? Perdu dans mes réflexions, je mets du temps à réaliser que des petites minettes à peine majeures essaient de se trémousser contre moi. Gêné, je marque un mouvement d’écart avec elles du plat de mes deux tout en inclinant ma tête d’un air désolé. J’avais oublié que les boîtes, c’était ce genre d’ambiance. Il faut dire après, que je n’avais jamais été très friand de ce genre d’endroits. Je préférais tellement l’ambiance des bars quand il était question de se divertir. Les clubs n’étaient décidément plus de mon âge et ne l’avaient jamais été en fait.

Très mal à l’aise, j’essaie de progresser vers le bar où je me laisse choir sur une chaise relevée. À peine, assis que le barman vient prendre ma commande. Ce dernier est parvenu à me prendre de court, je n’avais même pas pensé à commander quelque chose. Avant tout, je voulais déjà me poser… Celui-ci me regarde d’un air impatient comme s’il m’ordonnait de me presser. Ne voulant pas lui faire perdre davantage de temps, je lui demande un rhum arrangé et ce dernier s’empresse aussitôt de me faire la boisson de mon choix. On ne peut pas dire qu’ils manquent d’efficacité ici.
Assis sur ma chaise, j’en profite pour scruter un peu les lieux. D’un point de vue sociologique, je trouve cela intéressant. Je m’amuse à essayer de déterminer le type de la démographie présente ici, incluant les âges, le sexe le plus répandu, le statut social, l’occupation etc. En soi, cet endroit pourrait être un lieu à étudier, mais je ne suis pas venu pour cela. Je me rappelle soudainement que j’ai des collègues à retrouver et que ces derniers ne sont toujours pas arrivés. Ne pouvant pas attendre davantage, je finis par envoyer un sms au professeur Ho :[« Bonsoir professeur. Je suis bien arrivé à l’adresse que vous m’avez indiquée. Je vous attends à l’intérieur, près du bar. »]

Voilà, message envoyé, je n’ai plus qu’à attendre sa réponse. En attendant, je recommence à observer les alentours tout en sirotant la boisson que le barman vient de déposer devant moi, tout au moins je ne pus que l’approcher de mes lèvres quand une voix m’interpella pour me sommer de la lâcher, sous prétexte que je m’étais trompé de boisson. Surpris, je reporte mon attention sur mes actes et constate que ce que je m’apprête à boire n’a pas la couleur du rhum. Je me sens gêné d’un coup et me tourne alors vers la voix qui s’est adressée à moi, tentant d’arborer mon sourire le plus désolé : « Oups, je suis désolé, je me suis laissé distraire. Je vous rassure, mes lèvres n’ont pas eu le temps de toucher les parois de votre verre. Mais après si cela vous chagrine vraiment, je veux bien vous en repayer un. »

Je lâche le verre du jeune homme assis à côté de moi et m’empare de la boisson qui m’appartient vraiment. Ça m’apprendra à me perdre dans mes observations, ce genre d’étourderies en plus, ne sont pas rares et c'est ce que j'explique au jeune homme encore assis à côté: « Cela m’arrive souvent quand je suis perdu dans mes pensées. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop. »

Est-ce la solitude ou l’inconfort de me trouver en ce lieu ? D’un coup, je me sens d’humeur bavarde et l’envie de m’intéresser à mon voisin de chaise. Plus je le regarde et plus il me semble familier. L’aurais-je déjà croisé quelque part ? Je réfléchis, mais rien ne me vient à l’esprit pour l’instant.

Planté devant mon ordi, je cliquais sur la souries, faisant déplacer les cartes. Fronçant les sourcils lorsque celle qui se retournait ne me donnait pas ce que je voulais. Oui, j'étais bien en train de jouer au solitaire plutôt que de remplir la paperasse entassée sur le coin de mon bureau. J'étais descendu dans ce bureau depuis trois jours, ma punition suite à une nouvelle course poursuite fantomatique que j'avais effectué tout seul. Autant dire que le lendemain, quand j'étais arrivé au poste de police, mon patron avait su bien m’accueillir comme d'habitude. L'habituel discours sur mon immaturité, incompétence et me demandant ce qu'on allait bien pouvoir faire de moi. A mon avis sans moi, le taux d'enquête résolu serait à zéro mais bon...Mon patron savait comment me faire plaisir et je n'avais pas caché ma joie lorsque mon chef m'avait assigné au service des plaintes. C'était encore pire que l’accueil ou la circulation. Entendre les gens se plaindre pour des bagatelles alors qu'il y avait surement un corps sans vie quelque part dans la ville qui n'attendait qu'à être trouvé. J'étais un homme de terrain, alors ses papiers il pouvait bien se les mettre là où je pense. Surement qu'à la fin de la semaine il viendra voir où j'en suis et me criera à nouveau dessus parce que j'avais rien foutu. Sérieusement, je pouvais deviner à l'avance tous ses actes tellement c'était toujours la même chose.
Je levais les bras en l'air lorsque le jeu m'annonçait que j'avais gagné la partie. Je fermai l'application lorsque j'entendais quelqu'un toquer à la porte de mon bureau. Zut. J'avais été tranquille jusqu'à maintenant. Il pouvait pas attendre encore une heure que ma journée soit terminé ? Manifestement non, c'était tout le temps à la dernière minute que les civils se ramenaient. Et C'était encore pire lorsqu'on voyait toujours le même énergumène. Celui-ci venait toujours pour des raisons loufoques. Vous en connaissez beaucoup des personnes qui voulaient faire piquer le chien du voisin parce qu'il aboyait trop ? Ou porter plainte contre un vendeur simplement parce qu'il ne savait pas lire une notice d’utilisation ? J'en connaissais une. Et il était juste en face de moi. Je pourrai gagner du temps en lui demandant tout de suite de partir mais il y avait la notion de présomption écrit noir sur blanc dans la charte.

- Ah oui ? Je suis curieux de savoir ce que " une bonne raison" veut dire pour vous

Rétorquais je avec un ton légèrement moqueur. Si c'était pour porter plainte contre le producteur de lessive parce que ses vêtements avaient déteints, j'allai lui faire avaler le premier dossier de la pile. Bon, il fallait tout de même que je sois plus aimable pour ne pas finir puni à vie.

J'avais atteint mon quota de patience, regardé tristement la nuit qui était tombé sur Busan lorsque j'agrafais la dernière feuille. Pas de la plainte du gars hein...Non celle de la paperasse que j'avais laissé sur le côté. Mais l'inspecteur avait eu la bonne idée de passer voir comment je m'en sortais et autant dire qu'il m'avait bien menacé si je ne finissais pas le travail pour demain. J'avais donc bien été obligé de m'y atteler. Il n'y avait que les astreintes encore présent lorsque j'avais enfin quitté le commissariat. Epuisé et besoin d'un remontant, je m'étais dirigé vers le Fuzzy Novel. Ce n'était pas qu'un bar mais vu que je sentais que j'allai encore être bien, autant faire deux en un avec directement la musique en bonus. En plus le barman m'aimait bien, je lui racontais des histoires de fantômes.

J'en étais donc à mon troisième verre, qui s'était retrouvé entre les mains d'un inconnu. Ya ! Voleur !

- Hé ! c'est mon verre !

Il pensait que j'étais assez riche pour payer à boire à quelqu'un d'autre. Même si il s'était excusé ça ne se faisait pas !

- Hum non c'est bon, si vous avez pas touché

Il n'y avait que Jae Sun qui avait le droit de boire dans le même verre que moi. Après mon interlocuteur était vraiment gentil de proposer de m'en offrir un nouveau. Je l'avait peut être jugé trop vite. Je reprenais donc mon alcool, me demandant tout de même comment le jeune homme avait pu confondre le whisky et la bière.

- Il m'en faudrait quand même beaucoup plus pour vous en vouloir

Déclarais je avec un léger sourire. Bon par contre si il continuait à me fixer ainsi, j'allai me poser des questions.

- J'ai un truc sur le visage ?

Ce n'était pas que je voulais être impoli mais j'étais déjà en couple - ce qui était encore incroyable pour moi d'ailleurs. Mais quand je regardais l'inconnu de plus près, j'avais une impression de déjà vu. Peut être une victime qui était passé au poste de police ?

Alors que je devais assister à un dîner avec des collègues de la fac, me voici au beau milieu d’un club où je rehausse sûrement la moyenne d’âge tant la plupart des participants ne semblent pas dépasser la moyenne vingtaine. Pour cette raison, je me dois bien d’avouer ne pas me sentir très à l’aise et j’ai même l’impression de déguiser au beau milieu de tout le monde avec ma chemise parfaitement repassée, mon pantalon de costume bleu foncé bien ajusté et mes cheveux brushés au millimètre près. Mon style est plus classique que jamais et aucunement adapté à une ambiance de boîte de nuit. Pourtant, c’est bien l’adresse que le professeur Ho m’a envoyée et ce dernier n’a toujours pas répondu à mon dernier sms. Ce serait bien qu’il se dépêche un peu, j’aimerais pouvoir m’assurer que nos retrouvailles ont bien lieu ici.

Dans l’attente, j’en profite alors pour boire un verre et m’installe au bar. Alors que je pense ma boisson prête, je m’en saisis et manque de la boire quand un jeune homme assis juste à côté de moi, me signale que je me suis trompé et que c’est sa boisson. Beaucoup trop concentré à observer ce beau monde à ce moment, je n’avais pas bien fait attention que l’alcool servi était en fait pas pour moi. Gêné, je lui rends le verre après lui avoir assuré que je n’avais pas eu le temps de porter le verre à mes lèvres et celui-ci me confirme que je peux le lui rendre alors même si je n’aurais pas été contre le fait de lui en repayer un pour me faire pardonner cette erreur stupide. Pour le coup, je redoute même que ce dernier m’en veuille, mais heureusement, il me confirme que ce n’est pas le cas, ayant sûrement compris que ce n’était en rien volontaire de ma part. Et à cela, je réponds : « Ça me rassure alors que vous ne soyiez pas fâché. »

Cet échange accidentel avec mon voisin me mène à m’intéresser davantage à ce dernier, il faut dire aussi que l’attente et l’ennui m’y poussent sans doute davantage. Je me sens tellement seul à cet endroit où je ne me sens pas à ma place que je ressens le besoin de pouvoir parler avec quelqu’un. Dans un premier temps, je l’observe un peu, car mine de rien, son visage me semble assez familier et ça me perturbe assez d’essayer de comprendre pourquoi ce sentiment. Je tiens à essayer de retrouver où j’aurais bien pu le rencontrer et essaie de faire fonctionner mes méninges à plein régime tant je ne pourrais pas endurer l’absence de réponse. Perdu dans un profond processus de réflexion, ce dernier me sort de mes pensées en me demandant s’il a quelque chose sur le visage.
Pris de cours et très gêné, je réalise que je n’ai vraiment pas dû être discret et ai dû le rendre mal à l’aise à cause de mon regard peut être un peu trop insistant sur sa personne. Décidément, j’enchaîne les gaffes embarrassantes aujourd’hui. Tentant de paraître un peu moins étrange, je décide alors de lui répondre franchement : « Excusez-moi pour ce regard insistant… J’essayais de me souvenir si nous nous sommes déjà croisés quelque part, car vous me semblez vraiment familier. »
Je bois une nouvelle gorgée de ma boisson puis reprends : « Par hasard, vous ne seriez pas étudiant à l’université de Busan ? ».
Privilégier la piste de l’université me semble être la meilleure option, car après tout, là, où j’ai pu rencontrer le plus de personnes, c’est là-bas, à la fois quand j’y étais étudiant, mais aussi en y opérant désormais en tant que professeur.

Alors, que je m’apprête à ajouter autre chose à l’adresse du garçon, mon portable vibre, je m’excuse un instant en prétextant que c’est important et m’empresse aussitôt de porter l’attention au petit appareil afin de lire la réponse du professeur Ho que j’ai tant espéré : [« Joyeux bizutage et bienvenue dans l’équipe pédagogique Kim, nous nous verrons lundi. Profitez-en bien jusque-là et rendez-vous au prochain repas entre collègues ! »].
Une fois le message lu, je ne peux pas m’empêcher de tirer une belle tête d’ahuri, ne comprenant pas sur le coup que tout cela n’était qu’une simple blague de vieux séniors. Puis de l’incompréhension, je passe ensuite à l’agacement quand je réalise que tout cela n’étaient que des mensonges afin de me payer ma tête. Détestant passer pour un idiot, je commence à tirer une mine boudeuse et deviens irrité. Si bien que j’en viens à jeter avec un peu trop de force, mon portable sur le comptoir du bar où ce dernier finit sa route du côté du barman qui me le rend en me regardant d’un air curieux, se demandant sûrement ce qu’il peut bien me prendre d’un coup. Aussitôt refroidi et gêné, je m’excuse timidement envers lui, mais aussi mon voisin de table. Ce dernier a dû être assez surpris et peut-être même apeuré quand d’un coup, il a vu voler ce pauvre portable. Il va définitivement finir par me trouver très étrange et ce sera mérité.

Je n'avais pas du tout envie de me prendre la tête ce soir, surtout après une journée aussi chiante. Me mettre en colère pour un verre malencontreusement touché par un autre n'était pas non plus mon style. Il y avait bien plus grave dans la vie, et j'en savait quelque chose étant donné mon travail. Ca faisait aussi du bien d'aller boire un verre pour oublier un peu tout ça. Le sang, la mort même si elle me poursuivait tout le temps à cause de mon don. Pour l'instant je n'avais jamais été embêté par un fantôme lorsque je me relaxais dans un bar ou que je m'éclatais en boîte de nuit sur la piste de danse. Il ne valait surement pas d'ailleurs, vu l'état dans lequel j'étais à ce moment là.
Il y avait bien entendu bien pire que les esprits : les fouines. Ces êtres qui vous collaient alors que vous n'aviez rien demandé à personne. Ils étaient en plus têtus et ne connaissaient pas l'abandon. Heureusement qu'il me fallait plus que ces personnes en chaleurs pour m'empêcher de m'amuser. Je n'avais à vrai dire plus les idées très claires quand j'avais trop bu.

- Vous ne l'avez pas fait exprès donc

Rétorquais je avec un léger sourire. Sourire qui s'était évanouit lorsque mon interlocuteur s'était mit à me fixer étrangement. Je savais que j'étais beau mais ce n'était pas pour autant que j'aimais me faire draguer. Et le coup du " oups j'ai pris ton verre", on me l'avait jamais faites...M'offrir des verres par contre.

- L'université de Busan ?

Je détaillais à mon tour le jeune homme en face de moi. Il n'avait pas l'air d'un étudiant pourtant...Un professeur peut être ? Ca expliquerait pourquoi il semblait si perdu au milieu de ce bar. Les jeunes adoraient faire la fête de nos jours.

- Non...je n'ai pas souvenir d'y avoir mis les pieds

Je n'avais d'ailleurs jamais foulé les bancs d'une quelconque grande école. Mes études s'étaient arrêtés après le lycée et j'avais passé le concours de fonctionnaire en candidat libre. Ce qui était étrange c'était que la petite fossette au menton de mon interlocuteur me disait aussi quelque chose, mais je n'avais pas souvenir d'où. Ce dernier me laissait un temps de réflexion, manifestement il avait attendu un message sur son téléphone depuis pas mal de temps vu la manière dont  il s'était jeté dessus. Téléphone qui se retrouvait ensuite sauvagement posé sur le comptoir du bar, me faisant hausser un sourcil. J'avais vu par quoi le visage du jeune homme était passé, et à mon avis le sms n'était pas porteur d'une bonne nouvelle.

- A mon avis vous avez besoin d'un autre verre

Proposais je indirectement avant d'indiquer au barman de lui servir la même chose. J'en faisais de même de mon côté après avoir fini l'actuel.

- Moi c'est Kyo Ji au fait, et vous ? Que j'arrête de vous appeler "le voleur de verre "

Fréquenter Jae Sun m'avait permis d'apprendre à aller plus vers les autres. Et puis cet homme n'avait pas l'air ni d'un psychopathe ni d'un dragueur alors tout était ok pour moi.